Sébastien Bérubé. Chenous (dernière version… encore) 

Guy Arsenault, gouache, 1990 (Droits de reproduction : Maryse Arseneault)

Au fond, j’étais peut-être pas à la bonne place 
C’est dur se choisir une maison 
J’apprenais à m’enraciner où il faut pas 
Comme les mauvaises herbes 
Et j’ai rongé mes racines 
Pour pas me planter comme du monde 
 
Mais je suis resté 
Parce que tu m’habitais 
 
C’était peut-être pas la bonne place 
Je le saurai jamais 
Parce que t’étais là 
Pis que t’as coulé sur moi 
Toute croche 
Pour me cicatriser les pieds au sol 
Pis étendre le voyage de gravelle 
 
Comme un arbre 
Qu’on a volé à la terre 
En oubliant la moitié des racines 
Au fond du trou 
Je me suis vidé icitte 
Dans le creux de tes pôles à rideaux 
 
Mais c’est beau le vide 
Ça se remplit avec tout ce que tu veux 
Ça se remplit le vide 
Avec tout ce qu’il faut pas 
 
Ça se remplit 
Même quand il faut pas 
Quand la terre se tourne 
Pis que le prélart déroule en dessous des bébelles 
Quand les petits chars 
Avancent autant que tes semaines 
 
Au fond, j’étais peut-être pas à la bonne place 
Mais c’est devenu ma maison 
Parce que le vide s’ancre mieux après l’orage 
Le trou a tout bu  
Mais pas toi 
Tout sauf toi 
 
Ma souche a gouté ta terre 
Pis s’est arrêtée pour installer la couchette 
Pis le pavé uni 
 
C’est dur se choisir une maison 
C’était peut-être pas la bonne place 
Mais je suis resté 
Parce que t’étais là à me regarder 
Avec des gallons de peinture 
Deux rouleaux pis la tapisserie de lapin rose 
C’était peut-être pas la bonne place 
C’était peut-être une fin du monde 
Mais t’étais là 
De travers 
À remplir le vide pis pomper du lait 
 
Je suis resté 
Parce que c’est beau le vide 
Quand t’es là 
Je suis resté 
Parce que tu bois toute 
Quand c’est à moitié plein 
Parce qu’avec toi 
Le papier pis la roche se mettent ensemble 
Pour torcher les ciseaux 
 
Je suis resté 
Parce que l’épidurale a marché 
Parce que j’ai rien senti 
Quand mes pieds se sont enlisés 
 
C’est dur se choisir une maison 
C’était peut-être pas la bonne place 
Mais crisse que ça l’est devenue 

SÉBASTIEN BÉRUBÉ. 

Texte publié dans le No 41. HABITÉ.E.S

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