Guy Arsenault, gouache, 1990 (Droits de reproduction : Maryse Arseneault)
Au fond, j’étais peut-être pas à la bonne place
C’est dur se choisir une maison
J’apprenais à m’enraciner où il faut pas
Comme les mauvaises herbes
Et j’ai rongé mes racines
Pour pas me planter comme du monde
Mais je suis resté
Parce que tu m’habitais
C’était peut-être pas la bonne place
Je le saurai jamais
Parce que t’étais là
Pis que t’as coulé sur moi
Toute croche
Pour me cicatriser les pieds au sol
Pis étendre le voyage de gravelle
Comme un arbre
Qu’on a volé à la terre
En oubliant la moitié des racines
Au fond du trou
Je me suis vidé icitte
Dans le creux de tes pôles à rideaux
Mais c’est beau le vide
Ça se remplit avec tout ce que tu veux
Ça se remplit le vide
Avec tout ce qu’il faut pas
Ça se remplit
Même quand il faut pas
Quand la terre se tourne
Pis que le prélart déroule en dessous des bébelles
Quand les petits chars
Avancent autant que tes semaines
Au fond, j’étais peut-être pas à la bonne place
Mais c’est devenu ma maison
Parce que le vide s’ancre mieux après l’orage
Le trou a tout bu
Mais pas toi
Tout sauf toi
Ma souche a gouté ta terre
Pis s’est arrêtée pour installer la couchette
Pis le pavé uni
C’est dur se choisir une maison
C’était peut-être pas la bonne place
Mais je suis resté
Parce que t’étais là à me regarder
Avec des gallons de peinture
Deux rouleaux pis la tapisserie de lapin rose
C’était peut-être pas la bonne place
C’était peut-être une fin du monde
Mais t’étais là
De travers
À remplir le vide pis pomper du lait
Je suis resté
Parce que c’est beau le vide
Quand t’es là
Je suis resté
Parce que tu bois toute
Quand c’est à moitié plein
Parce qu’avec toi
Le papier pis la roche se mettent ensemble
Pour torcher les ciseaux
Je suis resté
Parce que l’épidurale a marché
Parce que j’ai rien senti
Quand mes pieds se sont enlisés
C’est dur se choisir une maison
C’était peut-être pas la bonne place
Mais crisse que ça l’est devenue
SÉBASTIEN BÉRUBÉ.
Texte publié dans le No 41. HABITÉ.E.S