Table des matières
C’est désormais la carte qui précède le territoire.
Jean Baudrillard
I’ll just show you a most interesting map we have – of Outland, and Fairyland, and that sort of thing.
Lewis Carroll
Acadie24 est une image satellite, une carte — synthèse, modèle 4D — composée d’images individuelles assemblées les unes avec les autres pour former un vaste paysage d’où émergent des singularités. Elle donne à voir le relief des lieux, mais laisse aussi les mots qui s’en émanent vibrer et s’entrelacer, jusqu’à dévoiler autant la matérialité que l’immatérialité du monde. En reliant les points géographiques et en mettant en rapport les entrecroisements de ces 24 heures d’écriture, il est possible d’entrevoir le visage de ce que nous étions à ce moment précis dans le temps : Acadie tropicale, Acadie en territoire non cédé Mi’kma’ki, Acadie urbaine, Acadie rurale, Acadie des mots, du soleil et de la lune.
Pour l’occasion, 24 autrices et auteurs se sont installés dans 24 lieux distincts, de Mahone Bay à Caraquet, de Moncton à Lafayette, d’Edmundston à Charlottetown, de Sydney, Nouvelle-Écosse à Sunset en Louisiane, de Louisbourg à Montréal, d’Ottawa à la Gaspésie, de Grande-Anse à Rouyn-Noranda. On les retrouve dans des cafés, dans une ruelle tôt le matin (Thériault), sur le bord d’un highway (V. LeBlanc), sous un pont avec les loups-garous d’Ottawa (Vienneau), au milieu de la musique de Mont Carmel (Fayo).
Nous survolons d’heure en heure une Acadie composite, qui existe en plusieurs exemplaires et qui vit de différente manière. Cette Acadie a, cette journée-là, cette nuit-là, une certaine difficulté à se choisir une place (Bérubé, Bolduc), trouve que se parker à tchequepart est une chose qui n’arrive pas souvent (Boulianne), et se demande même si l’endroit choisi existe encore (Roy). Elle se tient debout pendant que la mer déchaînée s’avance (White), elle est courageuse, batailleuse (Jambon), habillée comme Batman dans les champs de cannes à sucre (Matherne) pour finalement se métamorphoser en flamant rose (Chamberlain). Elle se fait géopoésie de soleil liquide et d’exil vertical (Turmel) : le soleil découpe des ombres avant de les manger (Arseneau). Elle écoute les cris du passé et les chuchotements de l’avenir (Rabelais) et entend l’écho des pommes qui tombent (Garon). Elle invoque la présence des anguilles (Dugas), veut raconter la neuve histoire (Muise). Et au-dessus de tout ça, le soleil revient tel un leitmotiv, le soleil asteure est une lampe (G. LeBlanc). Pendant ces 24 heures, la beauté du monde repose au creux des paumes (Godin), est contenue entre les murs d’une seule chambre (Petit-Jean) où minuit crie trop fort (Morais). Dans ce territoire où tout est trop peu trop tard, où il fait trop beau trop fort (Cotten), l’écriture devient une libération (Thomas).
Cette Acadie24, galaxie surprenante d’une journée littéraire transcontinentale, vient renchérir l’évènement Moncton 24 que la revue Ancrages organisait en 2010. Ces aventures polyphoniques, situées à l’intersection du temps, de l’espace et des vents intérieurs des auteurs, nous rappellent que le souffle créateur dessine continuellement les linéaments de la réalité et que nous sommes dans cette mouvance des créateurs, des lecteurs et des surfeurs éternels.
Daniel H. Dugas
P.-S. Après avoir lu les textes d’Acadie24, j’étais curieux de voir comment IRaMuTeQ, un logiciel libre et ouvert d’analyse de données textuelles, interpréterait le corpus. Sans faire d’analyse des résultats, voici quelques images des mots écrits pendant ces vingt-quatre heures. (Pour les besoins de la cause, le texte de Valerie LeBlanc a été traduit en français avec le traducteur DeepL.)
Acadie24 est inspirée du projet Moncton24 dont l’idée originale est de Daniel H. Dugas.
Direction éditoriale du numéro : Sonya Malaborza
Coordination : Rachel Duperreault
La revue Ancrages bénéficie d’un appui financier du gouvernement du Nouveau-Brunswick et du Conseil des arts du Canada.