Georgette LeBlanc. Encore la nuit peut-être

05h-06h
Moncton, N.-B.
Mon lieu choisi est mon lieu habité. Mon quotidien. Ni plus ni moins. Extra-Ordinaire.

Encore la nuit peut-être
(notes de terrain)

5 heures
c’est le matin mais c’est encore
la nuit pis j’fais rien que
d’arriver icitte
encore une miette saoule
d’une nuit qui dure des
siècles, de la lune
pleine de soir
du cri des sirènes
qu’appellont une mort
physique, forte
certaine

une femme s’a jetée devant le train
plus tôt dans la nuit
de la soirée louisianaise
dans les premières heures
du tour autour du soleil
que j’ai choisi pour écrire cecitte
ça aurait pu être un homme
à la quête de l’impact, de quoi de final
de quoi se faire transformer –
la lune forte
a le même effet sur les deux bêtes
hommes, femmes

c’est ça qu’on se disait
dans la nuit, la mort proche
à parler, à écouter les cris de la sirène
de l’ambulance percer la nuit
c’est ça la lune
elle fait ça qu’il faut

peut-être
que j’su encore là, à écouter
les sirènes appeler tcheques heures
plus tard icitte
à 5 heures du matin
en train d’écrire icitte
la lune au-dessus
sur le fait du toit
sa lumière forte
dans les échos de nos voix
et des sirènes

peut-être que la lune
est une autre source de lumière
pis que c’est ça itou
que la nuit a son soleil
pis que le pire du
monde, sa misère, son tourment
peut sortir une miette, tcheque mode de
vie peut commencer
à se refaire une miette
à reprendre son souffle
peut-être que je les entends encore icitte

peut-être que j’m’entends encore icitte
plus tôt dans la nuit en train de rien dire
en train de parler, écouter
ça qui reste de conversations
peut-être que j’su encore dans
le train à vouloir rien que pouvoir
me tchiendre deboute ou me
coucher dans un parc
à point donner ou prendre
plus qu’il faut, à être
comme asteure
assis comme si c’était assez
en train d’écrire

Acadie
Acadie tropicale
Acadie qui court
dans un parc, qui chase, qui
grouille dans toutes les directions
qu’est point une machine, un train
qui charge le possible en ligne
droite, j’serons jamais riche
comme ça
ou peut-être que j’le sons
déjà

icitte
sur une place, dans le poème
comme dans un parc
peut-être qu’il y a de la place assez icitte
pour parler, se toucher
pour rire une miette

icitte
à 5 heures du matin
pis la lampe a point
de table, pis le monde
c’est l’Acadie
le soleil qui se lève
une vitre ouverte

 

Georgette LeBlanc
Texte publié dans le No.21 Acadie24

 

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