Sébastien Bérubé. Chenous

20h-21h
Edmundston, N.-B.
J’ai décidé d’écrire directement chez moi, dans le petit boisé derrière la maison, parce que c’est là que j’ai décidé d’écrire ce qu’il me reste à écrire. Il pleuvait. Il faisait froid. Ca ne pouvait pas plus être chenous que ça.

Au fond, j’étais peut-être pas à la bonne place
C’est dur se choisir une maison, tu sais
J’apprenais à m’enraciner où il faut pas
Comme les mauvaises herbes
Et j’ai rongé mes racines
Pour pas me planter comme du monde

Mais je suis resté

C’était peut-être pas la bonne place
Je le saurai jamais
Parce que t’étais là
Pis que t’as coulé sur moi
Tout croche
Pour me cicatriser les pieds au sol
Comme un trou d’arbre
Qu’on a volé à la terre
En laissant la moitié des racines
Au fond du trou

Je me suis vidé icitte

Mais c’est beau le vide
Ça se remplit avec tout ce que tu veux
Ça se remplit le vide
Avec tout ce qu’il faut pas

Ça se remplit
Même quand il faut pas

Au fond, j’étais peut-être pas à la bonne place
Mais c’est devenu ma maison
Parce que le vide s’ancre mieux après l’orage
Le trou a tout bu
Mais pas toi
Tout sauf toi

Ma souche a gouté ta terre
Pis s’est arrêté

C’est dur se choisir une maison, tu sais
C’était peut-être pas la bonne place
Mais je suis resté
Parce que t’étais là
C’était peut-être pas la bonne place
C’était peut-être une fin du monde
Mais t’étais là
De travers
À remplir le vide
Pis c’est beau le vide
Quand t’es là

 

Sébastien Bérubé
Texte publié dans le No 21 Acadie24

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