JEAN
Je ne me doutais pas que ce serait si dur
Je n’avais aucune idée de ce chaos-là
J’aurais préféré vivre des feux de camp
Toute ma folle de vie scoute de nuit
Je ne savais pas que les âmes étaient si complexes
J’aurais voulu faire du canot en gang toute ma vie
Bâtir des campes avec mes fils
Gravir six fois le mont Blanc
Parvenir au sommet de l’Annapurna
Marcher dans Paris avec une femme svelte et rieuse
Pendant six mois six ans et six vies
Je ne me doutais pas qu’il y avait des trous noirs
Dans le cosmos comme entre mes tempes
Des trous sans lumière sans paroles
Sans rien peut-être ni même la joie
Car la joie la joie
Quand j’avais quinze ans et que je campais en hiver dans le bois
Il me semble qu’il n’y avait que ça
Rien que ça
Avec la joie du Che quand il libérait la Havane
Comme une joie de passer en canot un rapide 4
Sans embarquer une simple goutte d’eau
Ou la joie de placoter avec une belle femme
Pendant trois jours trois nuits et trois années
Personne ne m’avait dit que tout au bout
À un moment donné lorsque sonnait la cloche
C’était seulement avec soi-même qu’il fallait jaser
Et l’aurais-je su
Que je n’aurais rien voulu entendre
Ou que ne n’aurais rien écouté
Car finalement j’aimais mieux vivre
Quand je ne savais rien
Entécas…
texte publié dans le No 20, Solitudes