Lou Poirier. Populaire

mirroir
Photo : Jean-Pierre Caissie

Le media populaire dilue
tes disparitions
tes assassinats
sur fond blanc et rouge
Le media populaire te maintient dans les faits divers

Quand tu es autochtone
tu es fait divers
tu es comportements à risque
tu es vulnérabilité
tu es normalisée dans ta condition

normalisée intouchable craintive engourdie

Et si une femme blanche disparaissait
Et si 1 000 femmes blanches étaient recherchées

Qu’est-ce qui leur arrivent à ces femmes
À ces femmes chez-nous

Des femmes ciblées
Des femmes sans taxe
Des femmes à l’écorchure douce
Des femmes aux contours invisibles

Le fait d’hiver devient protestation
Le media populaire effrite la question
Pour toi, la question n’est pas Si
mais QUAND
tu vas te faire battre ou violer
et surtout, combien de fois
avant d’être complètement éliminée

Des filles invincibles
Des filles solitudes
Des filles en secret
Des filles calées cul-sec
Des filles recrachées
Qu’est-ce qui t’arrive quand tu disparais ?
Tu vas où
Avec qui

Plus de 1 200 doutes
Doutes entassés dans ses entrailles nouées
Doutes sauvagement abattus pour avoir demandé de l’aide
Doutes pris en stop par un policier
et soigneusement violés

Des mères se déposent au fond de la bouteille
sur une lie amère
Des mères en sperme desséché
Des mères en sperme cosanguin
Des mères en sperme incestueux
Des mères au sperme blanc
de domination

hors de la vue
hors d’usage

Moi aussi je me sens exclue
Femme autochtone
quand je te regarde
tu es une étrangère
une chose incompatible avec mon langage
normalement mystérieuse

Dissociée de notre passé commun
le white guilt qui me rentre dedans
Fascinée par notre séparation
Humiliée par nos préjugés
Je vante mon droit à l’action
Mais je sais pas
par où commencer
Notre histoire

Je cherche la craque
Peut-être qu’on m’a raconté la mauvaise histoire
Je nous vois devenues
sans repère face à « eux »
Je suis sans repère
face à « nous »

Pourquoi je les laisserais disparaître
plus que les blanches

Blanche
Appelle-moi pas blanche
Je sais même pas ce que ça veut dire
Oui je le sais je suis pâle
Je suis dans la gang des pâles
Je suis dans la gang des femmes pâles

Quand une femme autochtone disparaît
je disparais moi aussi
À partir de là, je suis pas plus blanche que rouge

Je suis de couleur femme

 

Lou Poirier

Texte publié dans le No 9 de la revue Ancrages

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