Guy Arsenault, gouache, 1991 (Droits de reproduction : Maryse Arseneault)
février
et je contemple
encore
cette peau
qui craque
sous le poids
de l’hiver.
elle tente
souvent
de se défaire,
de se décoller
de moi.
sur cette écorce,
je vois des veines
qui ont appris
à braver le froid,
à battre le fer
pendant qu’il est
encore chaud.
à attendre que
revienne le printemps
et que remonte
la sève.
un sang
qui coule,
un sang
qui brûle…
même quand
se resserre
le nœud
dans la gorge,
le cœur,
lui,
tient bon.
et même quand
les kilomètres
s’accumulent,
la distance,
elle,
rapproche
celles
et ceux
qui m’ont
vue
naître
et
renaître…
dans le silence
des arbres,
dans le bleu
de la neige,
sous le ciel
incertain
et incendiaire
de mon enfance.
même
sur l’une ou l’autre
des deux voies
de la route 11
qui m’embrassait
et me repoussait
à la fois.
février et
sous la peau
de ma main droite,
je reconnais
les os
de mon grand-père
et
ceux de ma grand-mère
depuis toujours
faits de bois.
des forêts
de pins
d’épinettes
de sapins
de cèdres
et de bouleaux
qui nourrissent
le feu en moi
lorsque le vide
vient cogner
sur les murs
contreplaqués
de mon petit
appartement
qui produisent
des étincelles
dans ma tête.
des flammes
rousses
bleues
jaunes
qui bondissent
chaque fois
que je reprends
mon souffle
avant de reprendre
aussitôt
mon crayon.
*
VÉRONIQUE SYLVAIN.
Texte publié dans le No 41. HABITÉ.E.S