j’étais waiter dans un abri nucléaire, en stand-by pour une autre planète.
Gérald Leblanc
ce soir encore comme des banquises échouées
sur le dos d’un phoque nous apparaîtrons au comptoir fondant
entre l’heure mélasse où les lendemains se couchent
et le premier mimosa de ceux qui ont traversé le chenal vivants
nous apparaîtrons là
sublimés devant les écrans
en meeting en avance
sur notre temps nos doigts battant nerveusement
la mélamine de rien sous nos ongles rongés par le stress
trotteuses amphétamines claquant
le cuir du bar de cette envie
tellement forte que nous
serions prêts à défoncer
des portes à envahir
des continents à dévaster
le vivant pour le luxe de dire
je chie ici chez nous
et je
me crisse de nous de
ce cube de glace sale
de ce thermostat à high
de cette vitre baissée
pour chasser la brume
et ce soir je suis là frottant vos verres
perforant vos secrets creusant les accrocs dans la nappe
phréatique de votre salive
quand vous dites
que la fonte vous transperce
que les glaciers sous vos ongles
ont déjà commencé à vous ronger
vos phalanges freezer burn vos poignets
recouverts de cristaux
tantôt vous êtes allés au dépanneur je vous ai vu
acheter des petites joies surgelées
et un 2L d’antigel à l’orange pour passer la soirée
à verser des râles lâchés lousses dans la voûte de vos mains
et bientôt vous enfermerez
notre dernière chance dans le réfrigérateur
aboyant derrière la porte parce que
le poème sera encore venu
fucker le fudge
bouillant au fond de la grande ourse
et dans vos gorges à la veille de coller
il faut toujours être prudent avec le sucre
je ne l’ai jamais dit mais
je préfère mes soleils température pièce
avec un peu de sel
car j’ai appris à boire quand les glaciers fondent
à manger quand le sable est chaud
et à jeûner quand vous finissez par parler mal
de ces galaxies émergées de la batture du poème
qui cherche le trouble encore ce soir
car ce soir encore les dunes ont soif
et ce soir encore c’est moi
qui ferme la place
Jonathan Roy
Œuvre publiée dans le Numéro 28. Phonésie