Dans la rondeur des
berçantes d’été
Les mains glissent sous les
inclinaisons du jour
Mes sœurs
Couchers de soleil
pomme
de terre
saisons
éternelles
Toute la vie a rendez-vous
entre vos doigts habiles
Il fait un temps de confidences
sous les chantepleures
L’amidon lie les filles-femmes
maisonnières des champs
pomme
de terre
espérances
Rires clochers
Mes sœurs
Dans vos sourires dentelles expire l’enfance
À la fenêtre tombent des peaux de lièvres
les couteaux ralentissent
En silence s’égrènent les chapelets d’épluchures
Les rumeurs des chaises droites
sont douleurs
Il existe des cuisines avec un trou béant
dans la poitrine
Mes sœurs multipliées par quatre
les lèvres pincées
Mon cœur déborde
sur vos jambes sans repos
À couteaux tirés je comprends
pomme
de terre
rage
Entre vos mains meurent
les tubercules au goût d’injustice
Vos tabliers étouffent les espérances
d’une autre vie qui voulait naître
Votre cuisine n’en peut plus
de servir
Il fait un temps de tristesse
Sous vos doigts
s’épaissit la corne
Nos solitudes au goût de
beurre poivre sel
nues sur la nappe de semaine
Sous les yeux
s’accumule la fatigue
Je n’irais nulle part ailleurs
Ici une maison s’élève
le temps de grandir
Mélanie Bizier
Texte publié dans le No 37. La patate