Anne Moore. Croire aux désastres

traduit par Rachel Bonbon

EN

J’espérais voir la mer défoncer ma porte patio,
qu’elle livre enfin la fin chuchotée depuis toujours.
J’attends sa chute.
Dans certaines pièces de la maison, les relents de piano électrique
restent suspendus. Hululements vides,
sans poids.
De toute façon, une fin n’est pas toujours une fin.
Je mange ma salade wakame en scrutant l’horizon,
qui n’est pas grand-chose, finalement. Un trait qui s’allume, qui s’éteint.
Mes ongles sont rendus longs et me font mal aux gencives.
Dehors, les choses sont vraies.
Dehors, quelqu’un plonge nu dans la Gorge, seul
ou devant public. Sa vie est aiguë,
sa respiration rapide. 
Un phoque observe la scène avec ses yeux troubles. 
Moi, je reste ici, dans ma maison de douleur familière.
Ma peau me démange, presque bleue.

Anne Moore

Traduit par Rachel Bonbon

Texte publié dans le No 35. Encrages et recollages

Texte paru dans la revue The Fiddlehead, no 293, à l’automne 2022
Traduit avec la permission de l’autrice

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