SÉBASTIEN

Scusez. J’aimerais juste demander une minute de silence.

Fermeture du général et des puits de lumière. Seul le puit de lumière de Sébastien reste ouvert. Il enlève ses gants. Il se lave les mains et les avant-bras à un rythme de plus en plus anxieux.

Se laver de l’autre
S’isoler le corps et la tête
Se clore le cœur à l’uréthane
Bouffer de la laine isolante
En buvant du silicone
S’hermétiser

Je suis l’autre

Grandir étanche
Ne pas laisser passer l’hiver des autres
Garder le sien emprisonné
Le nourrir comme un chat errant
Avec des restants de table
Pis du lait caillé
Le flatter
Le consoler
Lui dire que tout va bien aller
Pis ajouter du prestone dans le bol
Une fois que c’est trop vieux pour être cute

Mais la laine isolante
Ça finit par piquer
Quand le vent ne s’invite plus

Faire craquer le plâtre
Pendant que le chat d’hiver
Pousse ses derniers ronronnements
Dans le creux de nos bras mouroirs

Maudire les autres
De nous enfermer
Dans notre propre maison
En tenant le loquet à deux mains

Mais mon corps n’a pas qu’à être un chant de bataille

Se regarder dans la glace
À travers des nœuds coulants
Qui n’ont pas su retenir les frontières
Faire des longueurs
Dans le culte des morts indomptés
En essayant de ne pas s’essouffler
Par peur de se noyer dans le sang de la truie
Qu’on a égorgée avant de la tuer

C’est comme ça que c’est
La chair goûte meilleure
Quand on la fait pleurer de force
Toutes les blessures ne sont pas faites pour guérir

Il faut ressusciter les mémoires
Pour les tuer comme du monde
Quand l’histoire qu’on m’invente ne suffit plus
Quand tout ce qui coule en moi
N’est que construction divagante
Je ne sais plus dans quel terrier
La vérité est partie accoucher

La rose des vents est partie sur la dérape
Laissant derrière elle les bouteilles vides
Que j’appelais Pépére
Même si ça me tentait pas

Le mensonge de chair pleure l’absence
Sur un papier d’adoption
Résonne pour un enfant qui hurle le vide
Le visage d’une « sauvage indéterminée »

Dans les attaches involontaires
Les morts arrivent parfois trop tard
C’est plate à dire
Mais des fois
C’est dans le bois vernis d’un cercueil
Qu’on trouve la vie pour la première fois

Ça peut rester fermé
Il peut rester fermé
J’ai dit au revoir il y a longtemps
À vrai dire, je n’ai jamais vraiment dit bonjour
Je donnerai la première pelletée de terre s’il le faut

Ça prend juste un trou
Des fois
Pour tourner la page sans plier le coin
La rose reprend sa place
A travers le vent
Et la descendance sort du terrier
Indolore
Sans savoir que c’était plus une cachette
Qu’une maison

Et sur les restes de verres brisés
Elle prononcera le mot grand-père
À ceux qui le méritent
Comme un je t’aime qui fait finalement du sens
Qu’on peut dire pour vrai
En se regardant dans le fin fond des yeux
Parce que « je t’aime » n’est finalement plus une excuse

Sébastien Bérubé

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