Sheedy Petit Jean. Que faut-il que je te dise ?

02h-03h
Moncton, N.-B.

Il est 2 heures du matin lorsque je commence à écrire, à moitié éméchée, à moitié réveillée ; je réfléchis. Acadie, qu’en est-il de toi, que faut-il que je te dise à une heure si tardive ? Toi qui es une terre ardente mosaïquée par un passé légendaire, amniotique de traditions et de fiertés. En regardant ma montre, je vois qu’il est 2 h 30. Les yeux plaqués sur ma page blanche, j’ai laissé 30 minutes s’égoutter furtivement en cherchant la phrase débutante de ce jeu poétique.

Chère muse, chère Acadie, que faut-il que je te dise à une heure si tardive ? Te jetterai-je à l’oreille des mots amers ou des mots doux ? Pourrais-je en une nuit conquérir ton cœur, élucider ton mystère, et t’être fébrile ? À te voir, je sais que tu as horreur des amants circonstanciels. La consolation rapide et la dégustation momentanée ne te plaisent plus ; cependant tu t’égayes au flirt d’un soir et tu trinques à la santé du jour.
Il pleut ce soir, comme à chaque deux jours d’ailleurs ces temps-ci. Annonciateur d’un présage saisonnier, l’automne arrive à grand pas, sans étonnement ; les feuilles vertes perdent de leur clarté, leurs couleurs jaugent entre le jaune et le roux. La fin de l’été est proche, les nuit se refroidissent et les matins pèsent sur le réveil.

Aussi court sois-tu, été, tu ravivais les cœurs et tu seras manqué. Toi qui faisais planer des corps légèrement habillés sur une plage dorée, tes rayons, ô été, seront manqués.
Allongée sur le lit, je ne peux pas trouver ce que m’inspire ce lieu. J’observe ma chambre, un carré à quatre coins. Ma chambre, oui, ma chambre. La tête posée sur un oreiller, je m’entends soudain ronfler. Cette fois-ci à ma montre il est 2 h 45. L’heure passe lentement et mes paupières se font de plus en plus lourdes. Quelle misère ! Il faut que je trouve trois phrases, trois mots avant de capituler devant ce sommeil qui me gagne. Le temps passe, mes pensées divaguent et 55 minutes s’écoulent sur une page pleinement méconnaissable. 55 minutes, me dis-je, le sourire aux lèvres. L’espoir d’un sommeil ravive ma joie à mesure que ma dette s’allège.

Acadie 24, Acadie tout court, Acadie chérie, ou Haïti amour, que faut-il que je vous dise à une heure si tardive ? Il est 3 heures du matin. Désorientée, je me réveille en sursaut sur une page sur laquelle deux mots sont inscrits : Acadie 24 en grandes lettres sur ma page, titrant un cahier prêt à recevoir son baptême de feu.

 

Sheedy Petit Jean
Texte publié dans le No.21 Acadie24

Aller au contenu principal