JOEY MONEY
Feck comme j’disais. Been there, done that. C’est fini, c’est trop vulgaire.
À une autre époque, j’louais des corps à l’heure, parc’que c’est toujours l’heure du dîner à quequ’ part. Dans même journée, j’pouvais dîner dans 12 fuseaux horaires différents.
Tes premières locations, c’est comme ton premier appart, c’est sûr que tu vires un peu fou, pis qu’t’on hygiène de vie est pas top, mais là, j’suis à mon affaire.
Pis j’paye bien. J’vous l’dis, tout le monde est gagnant. Si vous saviez toutes les dettes d’études que j’ai payées avec mes locations. Mes corps préférés, y peuvent vivre strictement sur mes rentes.
Bon, quand j’parle de m’immiscer dans une enveloppe corporelle, les gens pensent à Frankenstein. On l’sait ben, y virent dingo les monstres. Nous, on fait ça bien. Tu signes un bail corporel, y’a des règles, des droits, pis des obligations. Tout est clean, sauf que c’est illégal. Remarque, tant mieux, quand tu payes au noir, tout l’argent revient à ceux qui l’méritent. À fin, tout le monde mange bien. Faut juste pas s’faire prendre par la police des âmes. Anyway, si tu loues des corps, entre vous pis moé, t’as sûrement fait d’l’évasion fiscale. Pis l’évasion fiscale, c’t’un peu comme l’évasion corporelle. La règle c’est [pause] : « si t’es riche,/ t’as l’droit. »
Ah, important. Faut pas qu’j’oublie d’vous dire qu’à tous ‘es soirs, faut faire la sauvegarde du cerveau. C’est l’back-up quotidien comme avec un disque dur externe. Sinon, l’sommeil endommage trop les souvenirs, faut les printer quand c’est frais. Pis moé, ma journée était pas mal fresh.
Feck j’voudrais pas l’oublier. (Il change de sujet comme s’il avait une bulle au cerveau.) Mon plus grand rêve, ce serait d’louer l’corps de Queen B, mais il vaut ben trop cher. Remarquez, a’ va sûrement baisser ses prix en vieillissant, j’garde espoir. En attendant, j’loue des look-alike et j’apprends des chorégraphies. Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh (de Single Ladies)
Dominique Sacy
publié dans le numéro 39. Corps-texte : mécaniques