Dominique Sacy. Chu pas une plante

JOEY MONEY
(Joey fait la plante)
Ben non, c’t’une farce (il se trouve drôle). J’pas une plante.
J’f’rais pas ça deux fois dans même journée, c’est ben trop rushant
être une plante. T’es tout le temps dans l’jus. Ça arrête jamais : photosynthèse, hydratation, gossip, gossip, gossip.
« Savais-tu que la plante voisine, elle a des champignons.
C’est triste, elle se laisse tellement aller avec ses pointes sèches.
Les grands arbres, ils se prennent pour des fiers-à-bras, mais ils n’ont aucune dignité avec leurs racines sortant du sol.
Ouach. Elle accueille même les cloportes, parole de fougère, tu m’verras jamais m’ouvrir à un autre insecte que les coccinelles. »

Elles ont ben raison les plantes d’la haute. Tu vois c’que j’veux dire,
la propreté, c’t’important. Prends mon chum Téofil par exemple :
c’t’un ramasseux d’poubelles. Non, mais ark man, mets pas des organes usagés dans ton corps. Dude, wtf ! Ah (découragé), ça manque tellement d’finesse.

Remarque, moi aussi j’ai des journées plus triviales.
À’ soir, j’ferai pas d’sauvegarde de mon cerveau.
Nah, j’ai vécu trop d’stress dans plante. Peux-tu croire ça, un koala a essayé d’me manger, pis toute la verdure autour s’plaignait du bruit des machines.
C’tait pas du monde.
En plus, j’devais avoir accès à mon corps chouchou, pis ç’a été annulé à dernière minute. C’est l’corps que j’paye le plus cher, y’a l’odorat si fin.
J’ai accès aux effluves les plus subtiles du varech, des algues et du sel.
Une odeur de… de thé japonais, y’a quelque chose du marécage.
(Grande respiration.) Aaaahhhh ! Ça m’rappelle mon enfance en bas du croche
à Jadus. Le vélo dans fourche à Pauline. La mer plein la yeule.
Y’a rien d’aussi beau que des souvenirs.

Dominique Sacy

publié dans le numéro 39. Corps-texte  : mécaniques

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