Marc Chamberlain. L’espace et le trait d’union

Bon, je l’avoue : mon rapport à la science-fiction comme genre est assez marginal. En littérature, j’ai lu quelques novélisations de Spider-Man et des X-Men à l’adolescence ; plus récemment, je me contente ici et là d’un roman d’Arthur C. Clarke ou bien de Carl Sagan. Au cinéma, ce sont les heavyweights et les classiques qui m’éduquent : le monolithe de 2001 : A Space Odyssey, ou bien les clins d’œil à Joseph Campbell et les pastiches des styles spaghetti western, space-opera, et chanbara chez Star Wars. Pour ce qui en est des jeux vidéo – bof, je vous épargnerai la liste.

Ce qui me surprend toujours, en science-fiction, c’est qu’en dépit des lasers, androïdes, zombies, pandémies, apocalypse, post-apocalypse, extraterrestres, utopies, dystopies, machines à remonter le temps et clones, cette disposition qu’a la nature humaine de vouloir toujours se dépasser sans pour autant se transgresser demeure le véhicule à la fois idéal et idéalisé du genre. C’est bien normal, maintenant que j’y pense : si la science permet à l’espèce humaine de s’imaginer à partir de son passé tout en songeant à son avenir, la fiction permet de fantasmer ce parcours au présent. Peu importe si une œuvre de science-fiction est située dans le futur ou dans un passé ré-imaginé / réapproprié, dans le silence des cosmos ou à l’aube de la civilisation : ce sont les préoccupations de l’imagination humaine au présent qui cherchent à s’exprimer par un rapprochement de la science et de la fiction.

S’il y a science, c’est parce qu’elle existe préalablement à son constat ; s’il y a fiction, c’est parce qu’elle n’existe qu’en étant exprimée. Pour l’être humain, la science, comme la fiction, se veut un travail d’observation, d’innovation, de construction et de déconstruction de mythes. L’expression de la science, comme celle de la fiction, est à la merci d’un travail continu des facultés, des imaginations et des innovations humaines – qui, après tout, ne cherchent qu’à s’exprimer par la voie de réflexions que fait l’être humain sur sa propre nature. La science-fiction, me paraît-il, propose précisément une instance de telles réflexions, où expérience humaine joint et broie son propre potentiel à celui de la science et de la fiction.

C’est peut-être en ce sens que lorsque je pense science-fiction, je pense à sci-fi. Je demeure fixé sur la physiologie-même de la contraction : sci – trait d’union – fi. C’est bien à l’intérieur de cet espace qu’occupe le trait d’union que j’observe ce travail de broyage entre sci et fi. Les textes de ce numéro, ainsi que les illustrations qui les accompagnent, opèrent justement à l’intérieur de cet espace fécond, un espace à l’intérieur duquel on cherche à manifester, articuler, tout en imaginant non seulement notre humanité, mais la place qu’occupe celle-ci à l’intérieur d’une cosmogonie qui retrouve peut-être ses propres origines in a galaxy far, far away… ou bien sur une petite île quelque part à Bouctouche.

 

Marc Chamberlain
Liminaire du Numéro 25. Sagouine Park

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