Beverly Matherne. Quelque chose s’est glissé sous ma couverture

14h-15h
Ishpeming, Michigan, ÉUA
Dans ma chambre à coucher.
Depuis 15 ans, je restaure ma maison victorienne, en rendant son décor somptueux. Pendant longtemps, je me suis sentie en sécurité chez moi, mais maintenant ma chambre à coucher me met mal à l’aise, me causant une telle peur que je suis incapable de faire la différence entre ce qui est normal et le paranormal, entre la réalité et les cauchemars.

Un frère qui fait semblant de m’étouffer avec un oreiller, ça m’impressionne pas.

Le téléphone qui sonne au milieu de la nuit, pas de voix en ligne, ça m’impressionne pas.

Une main dans les ombres du soir, un boum bruyant indiquant que quelqu’un monte les escaliers jusqu’à ma chambre.

Un pneu crevé sur une route étroite le long des marécages, pas de portable pour appeler de l’aide… tout ça m’impressionne pas.

Les serpents corail, les mocassins, les serpents à sonnette, même les anacondas me font pas peur.

Mais le rêve que j’ai fait la nuit dernière… une salle d’hôpital… L’infirmière en chef était venue m’emmener. J’ai fui son visage de granit et me suis réfugiée dans une cabine entourée de rideaux. Le médecin est venu me trouver avec les résultats du scanner. Il m’a montré ma main, mon bras, même mon cerveau sur l’écran. Des cancers partout.

J’ai discuté avec le docteur. « Il est temps d’arrêter de se battre ! ». « Jamais au grand jamais ! » Il m’a attrapé les poignets, m’a attaché à un brancard. L’infirmière m’a poussé dans le couloir. Des angles bizarres ont vacillé au-dessus de ma tête, la lumière a diminué, l’obscurité a descendu.

Pendant des mois après les premiers tests à l’hôpital, quelque chose s’est glissé sous ma couverture. Je l’entendais bouger sous les draps, j’ai senti son souffle à côté de moi. Parfois, cette présence tirait le duvet vers elle, se moquant de moi, mais me touchait jamais, comme si elle attendait le bon moment.

Maintenant, elle arrive à ses fins. Elle me blesse la bouche avec ses lèvres d’écorce, s’assied sur ma poitrine, me coupe le souffle. Elle me transperce le cou avec ses grosses canines, sa langue rose me vide de mes fluides…

La boîte dans le sol. Des asticots, des asticots.

Je ne peux appeler personne ? Mes sœurs, mes frères, Mary Ellen, Roger ?

 

Beverly Matherne
Texte publié dans le No 21. Acadie24

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