JEAN
M’a t’en faire une, solitude, moi !
M’a t’en mettre une en pleine face, une solitude de cabane perdue au fin fond de la Côte de la Mort, moi !
C’est ben beau parler de la valeur du silence et de la solitude surtout quand tu passes ta vie à côté d’une blonde brune collée à toi
C’est ben beau proposer aux autres de se calmer le pompon en se terrant entre deux pages de silence de livre sacré (ou pas sacré)
Mais je vais te dire, moi !
Quand tu passes ta vie tu-seul dans ton trou de p’tit appart ou dans ton campe fini au fond des bois
Quand même les oiseaux ont arrêté de te parler parce que les industriels les ont toutes chassés jusqu’aux confins de la galaxie de Goliath
Eh ben moi, je te dis, la solitude, on se la roule en boule pis on se la met là où les orignaux font du galop.
Ça fait que…
MARIE-ANDRÉE
Quand je regarde les montagnes chu pu seule.
Je les vois, elles prennent leur marche sur les millénaires, elles avancent, — -juste un peu moins vite que nous,- mais elles avancent pareil —, remontent ou baissent en même temps qu’elles m’apprennent la présence musicale et rassurante de la berceuse de chaque chose.
Quand je regarde les montagnes chu pu seule.
Je pense à ceux qui les ont regardées, à des années et des années de moi, à quelqu’un qui les aurait regardées du même angle en pensant au futur. Cette personne est loin, et pourtant là, juste icitte dans mon petit espoir du milieu du ventre, dans mon petit espoir croche qui veut donc pas être tu-seul, qui se cherche quelqu’un, un autre humain quelque part, -mort depuis longtemps peut-être,- mais que la montagne fait revivre juste pour me flatter les cheveux dans ma peur du vide trop plein.
Quand je regarde les montagnes chu pu seule seule parce que je m’invente les autres à travers leur puissance. J’arrive à naitre de la douceur de nos paradoxes, de chaque flamboiement de parole, chaque détour de lumière.
Nous sommes faits de plusieurs voix
qui avalent le siècle par des mots sur une page ouverte.
textes publiés dans le No 20, Solitudes