pour George Floyd
utilisant l’air comme matériau de prédilection
invisible et sublime sauf dans son manque
nécessaire et constant comme l’atmosphère
bouleversant dans les mots qu’il transporte
beau et envoutant comme le chant du monde
le souffle soulève, emporte et bouleverse
gonflement de la poitrine remplie d’organes
soulèvement implacable des deux poumons
signe visible et fiable de la présence vitale
cri primal en écho au râle des agonisants
rendre l’âme, prendre son dernier souffle
comme le vent et ses grandes bouffées d’air
sa furie devenue la voix de la nature en colère
rage de tempêtes soulevant l’eau jusqu’au ciel
mais aussi brise caressante des parfums d’été
ou triste abandon de ceux qui manquent d’air
ou encore soufflant ivrement sur les flammes
et parfois ramenant les odeurs du printemps
respirer, petit bonheur partagé et solitaire
sentir l’air descendre jusqu’au fin fond de soi
savourer le triomphe d’être toujours vivant
oubliant qu’à chaque souffle l’air se vivifie
avant de refaire une autre virée dans le sang
pour inlassablement distribuer la survivance
on le sait il suffit d’un temps si bref soit-il
pour que le souffle s’arrête emportant la vie
que les côtes, le thorax s’emplissent de poison
que le vivant s’éclipse dans un aveu d’échec
que le silence se refasse autour à tout jamais
Herménégilde Chiasson
Publié dans le 31e numéro de la revue Ancrages Vivant