Quand la neige touche le ciel, c’est toujours pour la première fois … et moi, j’m trouve encore, une fille de quatre ans, avec des yeux pleins de joie.
Les arbres ils me lèvent, montant comme des montagnes … qui touchent les arches bleues d’un ciel rond.
Mes pieds marchent avec les mesures des sentiers longs, en rythme avec la douceur des forêts.
Ici, je sens les fleurs sauvages. Ici, je sens les coulées, les herbes, et les embrasses.
Pendant que je rêve et je me réveille en écoutant le son des bottes et des murmures traversent le sol … de mes voyages aux nords.
Quand les clochers touchent le ciel, les matins, ils sentent comme la fraîcheur et la nouveauté, et j’me perds à nouveau, nageant dans ses images et sons.
Les vallées s’élèvent sous mes pieds, enveloppés par les deux horizons, parsemés de maisons, parsemés d’arbres et de vaches.
Mes pieds se promènent et reviennent, serpentant sous les branches des cerisiers… là où la terre et le ciel s’entremêlent.
Ici, le monde s’agrandit et devient encore petit avec chaque ruelle pavée, chaque montagne, chaque tunnel forestier qu’on traverse … c’est un chemin qui s’étend et se rétrécit sous les cieux et les cathédrales.
Ici je peux presque goûter l’arôme des bonjours, des roses et du pain … du continent paternel.
Quand les chênes touchent le ciel, l’empreinte devient plus profonde avec chaque apparition, et j’me trouve à nouveau, hors du temps, respirant au rythme d’un cordon ombilical invisible…plus fort que toutes les forces gravitationnelles que j’connais.
Les chansons des cicadas montent et descendent dans le sillage de mon bateau, s’étirant au long du bayou, roulant à travers les horizons et le ciel, roulant à travers les prés tout plats.
Je m’enfonce à nouveau dans ces couches de sens, comme la boue à la ferme de Momon. Mes pieds sont plantés dans un battement qui me fait bouger… en rythme avec mes ancêtres, enfants et amis.
Ici, le monde résonne des sons du travail. Ici, le monde résonne d’histoires. Ici, le monde résonne de rires, de musique et d’oiseaux.
D’une certaine manière, ici la vie se débat sous des inondations de conditions difficiles, et pourtant … tout est possible, avec des chaises à bascule attendant sur le porche … de mes prairies maternelles, mon pays d’origine.
Me voici, appelée comme les canards, en mouvement perpétuel vers le sud.
Vers un soleil qui me réchauffe, même quand les feuilles crissent sous mes pieds dans le froid.
Vers les mains adoucies et calleuses par le contact du temps et du travail.
Vers les souvenirs qui résonnent autour de nous, partout où nous allions.
Le monde aimerait nous dire que nous sommes les artisans de notre propre expérience.
Mais mon corps me dit que je suis façonnée par ma communauté, mon histoire, mon habitat.
J’ai grandi sur les rives du Bayou Vermilion, j’ai passé les étés en ma France paternelle, j’ai été expulsée vers le nord par les ouragans, et j’ai choisi la Louisiane, encore et encore et encore une fois, comme mon pays natal, mon pays.
Marie-Isabelle Pautz-Washington
Texte publié dans le 30e numéro Traces. Rencontre Nord-Sud