SERGE PATRICE
Ma solitude n’a pas été bonne, écrivait St-Denys Garneau ; la mienne est programmée par défaut.
Dans mon ile, y a la pluie de janvier, mais pas de place pour la tristesse.
Arrêtez donc de me téléphoner à Noël pour me dire :
pauvre toi, t’es encore tu-seul.
Arrêtez donc vos simagrées quand vous essayez de me faire comprendre
que vous m’avez reconnu coupable de célibat,
de plaisirs solitaires et d’autogestion sexuelle,
au cours d’un procès qui s’est déroulé dans mon dos de vieux garçon.
Je peux très bien me passer d’un bâton de vieillesse, d’antidépresseurs et même d’un carnet d’adresses, parce que, voyez-vous, je m’amuse avec mon exacto en charcutant le dictionnaire là où moisissent les mots : égotisme, monomanie, désengagement social, arrogance, égoïsme, et je surligne en jaune fluo le mot : autophobie.
Pas de supplément pour personnes seules, se vantent les grands hôtels sous les Tropiques ; merci à la bonne sainte Anne, c’est trop gentil.
Ça m’agace quand vous me mettez vos reliques sous le nez, avec votre air de faux dévots, de Tartuffe qui s’ignorent parce que vous ne savez même pas c’est qui Molière.
Ma solitude n’est pas conforme aux exigences de votre délire ? Cool, je vous le concède.
Alors.
Laissez-moi vous dire : puisque votre pitié ne m’est d’aucune utilité,
je vous la rends, vous vous en servirez pour quelqu’un d’autre.
Ma liberté n’est pas négociable et en vérité, je n’ai même pas besoin
de réponses à mes questions.
J’ai fermé mon téléphone et déplogué le wi-fi.
Et puis, en passant, j’ai repris ma valise pleine de beau linge tout propre,
et, c’est vraiment pas nécessaire de m’attendre à l’aéroport.
textes publiés dans le No 20, Solitudes