Le motel aux appâts. Liminaire


Le motel de bord de route évoque chez moi toute une gamme de souvenirs, d’impressions et d’émotions.
 
J’y retrouve les souvenirs des vacances de mon enfance, où il devenait parfois un arrêt nécessaire où l’on devait trouver moyen de s’occuper avant de repartir vers un lieu plus palpitant, ou parfois il était plutôt la destination finale, histoire de se sortir un peu de notre quotidien, de changer le mal de place.
 
Mais il évoque aussi autres choses : l’anticipation… la crainte, le dégout, la honte même parfois. Sa présence prépondérante dans la culture populaire étasunienne et l’état de décrépitude généralisée du motel de bord de route contribuent à cette image terne et froide :
un panneau d’affichage qui semble vouloir rendre l’âme, le tapis usé qui sent la cigarette, des insectes qui marchent sur les murs, plusieurs traces de couleur douteuses dans la baignoire, des taches encore plus douteuses dans les draps, et la piscine à l’odeur chimique, sans oublier, bien sûr,  les autres habitants du motel, tous plus singuliers les uns que les autres.
 
Il semble aussi souvent évoquer un espace autre, figé dans le temps par des choix esthétiques douteux et des airs d’espace liminal, ces lieux de transition qui nous imposent un certain malaise.
 
Vous rappelez-vous votre dernière nuit dans un motel de bord de route ?
 
Êtes-vous vraiment certain.e.s de ce qui s’est passé dans votre chambre cette nuit-là ?
 
Et qui sait ce qui se cache réellement derrière toutes ces portes qui longent ces interminables corridors…
 
Si les murs des chambres pouvaient parler, ils raconteraient surement des histoires de joie, de peine, de deuil, de fantasmes, de sexe, de mort, de vie, de bouffe, d’âmes perdues, d’âmes figées, d’âmes errantes, de souvenirs, de souffrance et de vampires( ?).
 
Alors il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne visite à ce motel de bord de route qui en est un parmi tant d’autres.


On est le 6 juin.

Bien sûr qu’on est le 6 juin. Et on se trouve au Motel 666, et par «  on  », je veux dire qu’il y a moi, à la réception, et eux, qui s’apprêtent à prendre possession de leur chambre pour la nuit. C’est possible aussi que ce soit l’inverse, que c’est la chambre qui prendra possession d’eux, mais ça reste à voir, cette option n’est pas entre mes mains. Ma seule fonction dans cette histoire est de leur donner chacun la clé de leur chambre.

Ce que je viens tout juste de faire.

À 6 heures 66 minutes, chaque client se trouve devant sa porte de chambre, la clé à la main. Ils se jettent tous un coup d’œil qui signifie à peu près ceci  : «  oh my god, quelle coïncidence de se trouver tous en même temps devant notre porte !  »

Comme si les coïncidences existaient dans une fiction.

Anyways…

Chaque chambre est thématiquement différente, mais elles ont ceci en commun  : elles sont figées dans le temps. C’est tout ce que je sais, figées dans le temps, aucune idée s’il s’agit de la déco, ou si elles le sont littéralement.

À 3 h 33 du matin, l’Orage explose.

À 4 h 44 du matin, chaque chambre est visitée par… qui sait, réellement, à part les occupants des chambres.

À 8 h 88 du matin, les occupants sortent de leur chambre respective en même temps. Mais cette fois, personne ne se regarde, personne n’a envie de mentionner la coïncidence.

Avant de quitter le stationnement du motel, tous se retournent vers l’affiche du motel et, en plissant les yeux, le nom du motel apparaît en anglais.

Que s’est-il-passé dans chacune des chambres ?

zacharie cassista landry.

JOËL BOILARD.

Texte publié dans le No 44. Motel 666