Première communion – 7 ans
Les cheveux courts, ça fait plus propre !
Envoye, montre-nous comment té belle
On me soulève on m’installe
debout sur une chaise de cuisine
à la parenté j’exhibe
mes déceptions
coupe champignon-gnon-gnon
robe de lainage à carreaux
ballerines serties d’une boucle
trop étroites
comme d’habitude.
Murmure soufflé sur la petite croix argentée
s’il-vous-plaît-faites-que-maman-veuille-que-j’aie-les-cheveux-longs-please
Visite à la maison – 8 ans
Derrière l’oreille droite
par intermittence je saigne
depuis des mois.
Viens ici, regarde ça, té infirmière toé !
De l’eczéma, ben voyons donc, c’est des niaiseries
Du bout des doigts je me réfugie
dans l’habitude de la blessure.
Anniversaire – 9 ans
Elle profite hein ! 100 livres astheure, imagine, elle est à veille de me dépasser
Pis l’autre jour, je l’ai surprise avec le p’tit Tremblay
sourire sourire
clin d’œil clin d’œil
Combien de chandelles deviennent nos plus proches confidentes ?
s’il-vous-plaît-faites-que-je-maigrisse-pis-que-mes-cuisses-ne-se-touchent-plus-please
Intacte au fond du sac poubelle
ma part de gâteau boude mes désirs.
Souper de semaine – 10 ans
On devrait lui mettre des serviettes dans sa boîte-à-lunch !
On ne sait jamais
sourire sourire
clin d’œil clin d’œil
Ce soir-là
devant le miroir de la salle de bains
Bloody Mary tarde à surgir
s’il-vous-plaît-faites-que-ton-fantôme-vienne-me-chercher-pis-vite-please
avant l’apparition de mes règles
un jour d’école.
Jour ordinaire – 11 ans
Tiens, c’est l’ancienne à ta cousine, ça va cacher tes bouttes
Au pire tu la rembourreras avec des Kleenex !
rires
La dentelle jaunie entre les mains
sans mot je retourne à ma chambre
avec ma honte et un peu de celle à ma cousine.
Une brassière unique
pour tous les jours de la semaine.
Visite à la maison – 12 ans
Hé qu’elle est poilue !
Une chance que t’es venue, ça pas de bon sens
Je n’avais pas remarqué.
Ma tante opère sur le plancher de la cuisine
mon corps se tend sous la cire chaude
les bandelettes m’arrachent des larmes.
je le sais je le sais
je me plains pour rien
Pense à tes belles jambes douces
J’imagine un essaim d’abeilles
me torturer à travers les flammes
dans un enfer aux odeurs de poils brûlés.
Deux-trois séances plus tard
sans surprise
ma tante a d’autres chats à fouetter.
Le tout se terminera
avec un Bic
des sacres
crisse-de-poils-j’espère-qu’on-ne-remarquera-pas-mon-tour-de-bikini-please
et plusieurs poils incarnés.
Réveillon de Noël – 13 ans
Marche donc le dos droit !
T’as vu, elle a les fesses à son père
Au cœur du tohu-bohu du réveillon
maman déballe un pèse-personne électronique.
Sans un regard pour mon père elle s’éclipse
dans sa chambre je la devine pleurer.
Est-ce que les manteaux de fourrure
savent réconforter ?
Divorce – 14 ans
Sur la voie de la guérison engourdie je tâte
ma tête enrubannée ma touffe de cheveux gras
mes nouvelles oreilles
recollées.
mon père n’était pas d’accord
ma mère elle pouvait bien faire ce qu’elle veut
Mélanie Bizier
Texte publié dans le No 36. En corps