Une postface à Cris de terrestres
Le poême est le résultat concret d’une activité : le poême est un produit.
Raymond Guy LeBlanc
À cinquante ans, on pourrait se croire à la croisée des chemins. La fougue et l’impertinence des premières années ont cédé à une vision plus claire et un savoir-faire forgé au fil des années. Le pêle-mêle et le risque s’entremêlent dans un rituel de l’inhabituel où une chose reste certaine, celle de devoir avancer.
En décembre 1972 naissait un geste qui deviendrait récurent puis régulier, celui d’éditer des livres. Sans la fougue, l’impertinence, et surtout, la persistance d’une poignée de personnes, il n’y aurait pas d’anniversaire à célébrer aujourd’hui.
Dans une postface comme celle-ci, je pourrais illustrer comment le travail d’édition donne à un peuple les moyens de son développement. Comment la littérature et les arts sont à l’origine d’un éveil collectif, puis de la prise en charge d’une proposition sociale commune. Ou alors, de façon un peu plus terre à terre, je pourrais vous expliquer comment l’Acadie a survécu puis s’est développée grâce aux arts et à la création de ses propres maisons d’édition.
Je préfère souligner la collaboration intime entre les artistes et les autres professionnel.le.s des arts avec une allégorie : les poètes ont levé la voix telle une voile et les éditeurs et éditrices ont levé l’ancre en prenant soin de capter les vents.
La littérature est le résultat d’un travail d’équipe dont l’objectif est de faire face aux marées successives : d’un côté, la création avec les écrivains et écrivaines, et, de l’autre, la production avec l’accompagnement éditorial, la révision, la traduction, la mise en page, la direction artistique, la coordination, la mise en marché. Oui, c’est tout un équipage. Et ce sont là des métiers qui se sont forgés avec les années.
Les personnes qui ont participé à ce demi-siècle d’aventures sont nombreuses. Je pense qu’il est important de nommer ces organismes de l’Acadie qui ont su mettre le cap sur la littérature : Les Éditions d’Acadie, les Éditions Perce-Neige, Michel Henry Éditeur, La Grande Marée, Bouton d’or Acadie, la revue Éloizes, autant de collaboratrices qui ont, chacune à sa façon, contribué à faire rayonner les œuvres de chez nous.
Pourquoi célébrer les 50 ans du Cri de terre original ? La revue Ancrages reconnaît la pierre angulaire posée par Raymond Guy LeBlanc, auteur de ce premier recueil publié aux Éditions d’Acadie dirigées à l’époque par Melvin Gallant. Ancrages est fière de construire sur cette fondation, qui repose sur une terre riche d’histoire, enrichie par les voix et les efforts de survie d’une succession de générations. Comme ses prédécesseurs, la revue fait voyager les voix et les accents en assurant la croissance d’une littérature bien ancrée dans notre quotidien.
parler est un acte qui communique l’homme à son semblable ; l’aliénation, c’est de ne pas pouvoir se dire à l’autre
Raymond Guy LeBlanc
Jean-Pierre Caissie
publié dans le numéro 33. Cris de terrestres