Mihku Paul. Pow-wowland du vingtième siècle

En 1920, célébration du centenaire, cadence du temps,
commémorant le moment
quand tout a changé.
Une rupture, renommer le territoire, violemment apprivoisé.
Découpé et revendiqué, colonisé, l’état du Maine.

Deux visages aux regards fixes, des enfants, couleur sépia,
qualité muséale, collés aux pages.
Fille et garçon froncent le sourcil devant l’œil de la caméra,
lentille rigide de l’histoire, une arme dangereuse.

Trente ans depuis la dernière grande danse dans les Dakota,
quand les balles voyageaient plus rapidement
que la lumière qui a figé ces deux êtres.
Rassemblant les fantômes, les suppliants ont enterré leurs cœurs,
sont morts sur la terre gelée.

La lumière captive éblouit ces jeunes yeux,
révèle leurs sourires à moitié grimaces.
Disparus, le wigwam en écorce de bouleau,
le tipi en peau de buffle.
Avec comme arrière-plan une tente en jute, les fossettes
du garçon sont badigeonnées de peinture de « guerre »,
il se tient droit à côté de sa sœur, cousine.
Les tresses de la fillette sont parées de plumes de pacotille.

Les enfants prennent la pose maintenant,
une cérémonie à grand spectacle remplace la guerre.
Le loup est une légende qui porte
la robe d’un chien tenu en laisse,
et les yeux impassibles des guerriers sont maintenant clos,
sa poigne inébranlable vide, son cri de bataille
à présent silencieux dans ce cliché terni,
ce pow-wowland du vingtième siècle.

 

 

Mihku Paul

Traduction : Sophie M. Lavoie

Image : Emily Sanipass, Wounded Generation, dessin, 2020.

Publié dans le No 26. Entre ciel et mer. Rencontre Est-Ouest
Numéro conjoint des revues Ancrages et À ciel ouvert

Lu par Sophie M. Lavoie

Aller au contenu principal