Route
À quoi bon crier s’il n’y a pas de mur pour renvoyer l’écho ? Tous passent à la vitesse de la lumière, en ne laissant qu’une trace indéchiffrable sur le cahier de ma vie. Tous passent sans prononcer une parole. Quelle empreinte laisserons-nous sur l’âme du monde ? J’écris à cent kilomètres à l’heure parce qu’un jour, demain ne viendra pas. J’écris même si tout est dérisoire et que sur la ligne d’horizon, les larmes ont effacé le maquillage et que les mots ont perdu leur sens. Je suis une maison à vendre au milieu d’un champ de pierres.
Escalier
Je tisse un linceul blanc avec des mots silencieux dans le tourbillon de flocons sur le ciel de nuit. La ville va s’endormir. Les passants sont rares et furtifs. Nous glissons tous vers la terre sans le savoir, sans y penser. Pour y dessiner des anges de neige. Il y a plusieurs millions d’années que j’apprends à lire, et pourtant je ne comprends pas l’alphabet des cœurs. Il neige avec acharnement et nous continuons de traverser le temps. Jusqu’au jour où nous devenons statues.
Crépuscule
J’escalade un autre horizon ébouriffé de parures noires sur écran voilé. Au loin, il y a des innocents écorchés et des madones qui ont vendu leur âme. On pénètre dans la nuit comme on se glisse dans un gant, dont le velours n’a pas la même douceur pour tous. Je me souviens de ce couple qui s’embrassait inlassablement dans un café au cœur de la grande ville. Leur reflet se peignait sur tes lunettes, toi qui étais assis en face de moi. Sans doute aurais-je dû t’offrir un baiser. Pour faire comme tout le monde.
Textes publiés dans le No 15. Chemins de vers. Poésie