On creuse pour deux fins : on creuse pour trouver une eau pure, et potable, mais on creuse aussi pour trouver du pétrole ; et le pétrole ça a une signification n’est-ce pas ? C’est le, disons, le réseau des pipelines qui enserre le monde comme un filet dans lequel on est pris. Enfin on pourrait broder sur ce thème qui pourrait aller loin. Alors évidemment qu’est-ce qu’on creuse ? C’est le texte.
Paul Zumthor, Entretiens, 1974
Chant du pipeline (d’après un poème de Paul Zumthor)
Jusqu’aux mille et une nuits le ciel enfoui laissait fuir ses étoiles libres
Dessus des paysages intimes aux dieux muets
Puis vint ces alchimistes qui changent l’argent en mort
Jaloux de l’harmonie du fracas de silence
La terre sera ruine sans labours et sans vignes
Lorsqu’ils auront passé leur corridor indigne
Ils ont défait le sceau du temps qui coule à vide
Faisant de nous béats les cobayes de l’Histoire
Enculés par le plus long pipeline du Nord
Narcisse se mire dans une marre d’huile
Ébloui suffisant par le profit débile
Comment dormir au gaz sur des volcans mobiles ?
Nous complices inquiets habitant la crevasse
Les plaies de l’infini ouvertes sur nos corps
Nos mains répondent en coupe en poings ou bien tenaces
À cet affront obscur Nos veines pour décor
À cet affront absurde Nos peines à-bras-le-corps
Poésie : Ode à l’eau ; Offres d’emplois
Réflexion critique : Chanter comme les loups contre les chiens du capitalisme
Texte publié dans le No 16. Déversements.