We all know of this woman
who lives on a homestead
so rich
it has an ancient heartbeat.
– Donna Burge
Il existe une place
où la saison crée le paysage,
où l’arbre et le loup
se tiennent encore debout,
où la griffe de l’ours
écrit dans la chair du temps des poèmes si païens
que de leurs balcons blindés,
les dieux ne peuvent en réfuter l’existence.
Cette terre sacrée,
la femme en prend garde depuis la nuit des temps,
et même si l’hyène attitrée ne cesse de répéter
on ne va pas dans les bois pour empoisonner les fées,
on ne va pas au ciel pour cracher sur les étoiles,
la femme se méfie de ce que raconte l’hyène, en ricanant.
Ces créatures fabuleuses.
Elle se souvient du monarque, du colibri, de la salamandre,
du grand bois fauché par les abatteuses forestières,
des animaux affolés, parfumés au sang,
qui ont traversé le chemin
pour venir mourir sur ses genoux.
Et là, maintenant, dans le silence de la lune,
elle voit des formes se faufiler dans le bord du bois ;
elle entend quelque chose,
comme une souris
qui, la nuit, gratte dans les murs.
La ville gagne du terrain.
La ville avance.
La ville approche.
La ville va bientôt se pointer chez elle,
et la ville, she ain’t no friend of hers.
Bientôt, elle devra siffler son fidèle compagnon.
Sentant sa maîtresse menacée,
il ressortira de la fosse
et jappera sans reprendre son souffle,
jusqu’à ce que le danger s’en aille.
Bientôt, elle devra ressusciter le valeureux soldat.
Toujours assis sur la carcasse d’un char d’assaut,
le soldat continuera de jouer du violon et de chanter dans la joie
en espérant que cette fois-ci,
la mitrailleuse ne se mette pas à danser.
Devant la ville sur le point d’arriver,
la femme souhaite
que son armée de trois
soit capable d’empêcher le carnage,
mais elle n’est pas dupe.
Alors, faute de mieux,
elle mise sur la Magie et les Esprits,
sur le pouvoir des âmes errantes,
sur la foi du poète qui, lui, a compris
que lorsque l’hybris tire les ficelles de l’homme,
il vaut mieux cacher le grand et si gentil bois
dans des poèmes,
pour le rendre introuvable.
Dyane Léger
publié dans le numéro 34. Jardins divers
Image : Marika Drolet Ferguson VM01 à 10, numérisation d’une pellicule 35mm couleur, 2014