SERGE PATRICE
Tu n’es pas seul sur une ile.
Tu es seul comme une ile, haute sous le ciel,
indifférente à la pluie de janvier.
Seuls ceux-là qui méritent ton amitié
peuvent l’aborder sans risquer le naufrage.
Tu te demandes : quel avenir pour le mot silence et
quel espace lui inventer ?
Tu fermes les yeux pour mieux te regarder en face.
Tu couches dans un lit défait où tous les rêves
te sont permis sans que personne ne juge ni ne condamne
les mots que tu as écrits sur les murs de ta chambre.
Tu couches seul, les draps sont blancs,
tes pieds sont propres et tes doigts tachés d’encre.
Tu récites une prière que personne ne veut entendre,
ni même Dieu. Tu scandes le mantra : Amo esta isla
que personne ne veut comprendre, sauf le chauffeur de taxi
à l’aube et dans la brume, sur l’autoroute qui mène à l’aéroport.
Des couleurs criardes rompent le silence malsain du noir et du blanc,
et ça te réjouit.
Tu remontes le temps jusqu’à Dieu.
À quoi bon ? Il ne te reconnait même pas.
Ferme les yeux et retourne à ton image.
Tu n’écris pas : tu t’abandonnes ;
ce qui est beaucoup mieux que d’être abandonné
par l’écriture.
texte publié dans le No 20, Solitudes