Wasly Noris. Lettre d’un miséreux à sa copine exilée

(Émilie Bernard. Planche de montagne VII. 2023)



ma miel de lune 
je te salue avec le dernier écho de mon cœur fatigué 
ce poème 
fragment de mes plaintes 
communion de mes douleurs 
écrin de mes réalités brutales 
galbées par ma rage 
sculptées par ma résistance  
et signées par mon sang  
 
jusqu’ici 
chaque jour 
c’est l’investiture de la misère dans mes tripes 
œil pour œil 
la mort me tutoie à la place de tes doux charmes  
 
les raptus des obus laissent des signatures  
de souffrance sur mon âme  
jours de sursis 
nuits de félonie et vendanges de la peur  
 
en Haïti 
relâche des poings levés 
soupiraux des cœurs 
geôle de l’innocence 
rivières de caillots le long des béquillards  
des espoirs amputés  
 
merci 
parce qu’à la place de la corruption et de la violence  
je respire l’air frais sous ta jupe 
t’es partie avec ma tête entre tes cuisses 
mes yeux n’auront plus à draper des cadavres  
 
je suis tête-sans-corps là-bas avec toi 
et corps-sans-tête chez moi 
dans ce pays dépaysé  
 
ma miel de lune 
je t’écris vraiment pour te dire que  
comme la mâchoire rasées de nos mornes 
je ne vis plus 
mes rêves coulent de mes oreilles 

wasly noris

Texte publié dans le No 40. Déraciner/Enraciner

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