Tania Ceija. Vieille peau

France Bergeron, L’oracle acrylique, crayon.

Assise au bord du lit
Tu te regardes
Ventre un peu flapi
Tu as peur soudain

On t’a dit répété
Que passé l’âge légal
Tu n’étais plus l’égale
De ton alter ego
En matière de libido

Qu’il faudrait se
Ranger des voitures
Cesser l’aventure
Être mature enfin

Tu t’es surprise à obtempérer
À opter pour des tenues
Plus retenues
Des cache-derrière
Planque-mammaires
Et autres sacs de cendres sur les paupières

Car toi qui dévorais la vie partout où tu la voyais
Tu t’es surprise
À baisser les yeux

Au cas où on te piquerait en flag de drague
Souvenir d’un soir où sans penser à mal comme on dit tu avais malgré toi souri à l’arrogance de ces trois jeunes chiots croisés dans la rue
Et qu’à peine éloignés ils avaient à gorge déployée crié Cougar cougar cougar

Tu as accordé crédit
À ces anecdotes qu’on radote
Sur le compte de tous ces mecs qui sont repartis et toi tu referas pas ta vie
Et ce voisin le jour de tes 43 ans
Demandant ton âge s’était marré alors t’es encore baisable ah aha ah oh oh oh

Tu as peur
De ce nouveau corps
Et s’il ne plaisait plus  ?

Tu as peur de montrer du désir et qu’on te repousse
Et tu comprends que ton désir a toujours flambé dans le désir de l’autre
Et tu te souviens du mal que tu t’es fait et à lui aussi à 25 ans seulement au bord du lit
Pour quelques lignes blanches
Écrites à la craie d’une première naissance
Du mal que tu t’es fait et à lui aussi
Quand tu as perdu confiance

Et ton regard change par-dessus le lit
Tu décides que
Oui

 

Tania Ceija

Texte publié dans le No 36. En corps

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