Papa, pourquoi tu pleures ?
le skidoo rouille dans la cour
le quatre roues coule dans le garage
le bateau parti dans la tempête
le char de marde
le 4×4 enlisé
Papa, pourquoi tu pleures ?
l’électricité
l’internet
les téléphones
la carte de crédit en acouphène
le REER en famine
les épargnes éparpillées
l’hypothèque mange ce qui reste
Finalement, fille, t’iras peut-être pas à l’université.
Papa, pourquoi tu pleures ?
les deux semaines de paix au soleil
la paie aux deux semaines
l’assurance santé
la bière pour oublier
la retraite qui call malade
Chérie, regarde pas. Ça va passer.
Papa, pourquoi tu pleures ?
ton souper fille
ton linge
les cadeaux pour que tu m’aimes
la TV bay window
pour les amis vautours
Papa, pourquoi tu pleures ?
parce que j’sais pas quoi faire d’autre fille
comment être un homme
sans un chèque pour le prouver
parce que je vous ai abandonnés
en vous laissant tout seul trois semaines sur quatre
pis là en revenant à quatre pattes
avec une gueule de bois pis les mains sales
parce que vous êtes là
pis pas moi
Papa, pourquoi tu pleures ?
À cause qu’on coule, fille.
À cause qu’on coule.
Poésie : couler
Réflexion critique : En essence. Retour en trois temps sur les traces volatiles d’une création collective. Pour en venir au pipeline (1). Le printemps de quelque chose (2). Varia – Dans l’après de l’autre automne et de la beauté des imprévus (3).
Texte publié dans le No 16. Déversements.