Le carnet rouge
Au fond du grand sac à main
Sous un fatras sans nom
Tickets de caisse, rouge à lèvres, stylos, poudrier, paquet de cigarettes, sachet de biscuits, porte-monnaie, lettres à poster, portefeuilles, lunettes de soleil, bouteille d’eau, mouchoirs en papier,
Gît le carnet rouge
Son format réduit, 10 sur 15 centimètres
La finesse de sa tranche reliée de noir
Le ferait passer pour anodin
Pourtant il recèle quantité de trésors
Bouts de poèmes, notes de lecture, impressions à la sortie d’une exposition, d’un concert ou d’un film, listes de livres à lire et de disques à écouter, recettes de cuisine, noms de plantes à utiliser pour soigner tels ou tels maux, titres de romans à écrire
Toute la vie d’une femme
Toute la vie de cette femme
Elle aime le toucher du bout des doigts
Caresser sa couverture gaufrée
Le prendre à pleine main
Le feuilleter comme un flip book
L’approcher de ses lèvres
Sentir son odeur douceâtre
Laisser son regard se perdre
Dans les arabesques noires ornant la couverture
Savourer son rouge coquelicot
L’ouvrir délicatement
Relire certaines pages
Entamer le cérémonial
Mettre ses lunettes
Prendre son stylo noir fétiche
Écrire de sa plus belle écriture
Des mots secrets
Des mots précieux
Ses mots à elle
Qui sont pourtant ceux de tout le monde
Texte publié dans No 15. Chemins de vers. Poésie
(Ndlr : Inédit en Amérique, le poème Le carnet rouge a d’abord été publié dans la revue parisienne Bloganozart.)