Le jour 5 rassemble 16 auteurs. Bonne lecture !
Soleïma Arabi
Attends
Embrasse encore moi là
Toi là
Avant de partir
Attends
Bois moi
Toi là
Reste au creux de mon cou
Au virage de la vague
Je sombre
Je coule à la crête
Flotte dans tes bras
Déchaînée déracinée désâlée
Anéantie
Désespérée
Prends
Goûte
Un peu de silence
Entre tes yeux
mon sourire
Paris, France
Lisa L’Heureux
Boire pour
Oublier le goût de ta langue couleuvre
Resté pris au creux de ma bouche salée
Ne pas sentir
Le brasier dans mon bas-ventre
Qui s’étend
Comme des chiens de banlieue
Retrouvant enfin leur liberté
Espérer le temps d’après
Attendre le retour du silence
Ne plus te voir partir
Ottawa, ON
Thibault Jacquot-Paratte
Si sombrent les temps,
les cadavres flottent
si Jésus s’était noyé, il se serait réveillé saoul, à la surface de
l(‘)a( )mer
au bout des jours d’attente,
rien n’s’est produit,
l’espoir n’était plus qu’un leitmotiv
La liberté aurait pu m’aimer, mais je la savais chienne
j’en aime la compagnie, mais pas la rhétorique
n’étant pas messie, je ne peux pas
qu’errer le temps sous silence des réalités ;
je jette mon huile sur les braises :
que les échos se déchaînent.
Lentvaris, Lituanie
Albert Belzile
Cumulus ailés
La liberté d’espérer encore
Invite la mer à rapporter l’écho des silences apaisants
D’une enfance qui classait mon chien parmi les enfants de la famille.
Dans les champs de sarrasin nous errions
Sous le sillage des bateaux fantômes
Voguant insouciants sur des cumulus ailés
Tirés par des nymphes aux amours aigres-douces,
Nos esprits flottaient au bout de nos bras.
Edmundston, NB
Laure Morali
La vague est ta cabane
La fin de l’exil le flux
Ton pays mon pays la mer
Nettoie calmement les mensonges
Que comptent nos mains la nuit
Des larmes d’alcool au vent
Lavent la conscience de nos pères
Dans l’océan sans remord
Sur le radeau des rêves
Les morts comme les vivants
Migrent autour d’un os bleu
Qu’on appelle Voie lactée
J’offre ce cercueil aux martyrs
Montréal, Qc
Sébastien Doubinsky
La mer alcool calme
ni mensonges ni vérité ni mémoire
un cercueil
une cabane
un radeau d’exil flotte parfois
un appel
un père
un rêve
un mort
des os brillant dans la nuit
larmes des migrants martyrs
vaguelettes
un pays
qui ne compte plus
main bleue
de l’océan
sans remords
Aarhus, Danemark
Denise Desautels
vois – du sombre d’os et d’océan
on se demande à quoi peuvent bien servir
nos mains leur cri
à pousser à retenir ici ailleurs
une forme d’âme perdue dans une autre
et la conscience la nuit de leurs vagues
nos veines d’ambre coulent
quelque chose touche à sa fin – tout l’exil
l’entends-tu
Montréal, Qc
Hector Ruiz
De la concorde au silence
Je rejoins les cabanes de l’esprit
Les corps rouillent tranquillement
Depuis le midi de la fuite
Notre radeau sombre mais ne coule pas
Dans les trous de la conscience délabrée
Les attentes et les vagues poussent une brise
Inassouvie jamais formulée pour parler de nous
Montréal, Qc
Sébastien Auger
Personne ne chasse longtemps
ses volontés dressées.
Ce qui gruge le bois
gris de nos poitrines.
Une torpeur infinie se trappe
dans nos dernières raideurs.
Comme tous les chiens séchés
parlent du mal à l’appel
de la moindre lune.
L’écriture des poètes se trouve
encore dans l’horizon.
Mont-Laurier, Qc
Christine Sioui Wawanoloath
La lune chavirée
Après la torpeur
La poète soûle
Ne trouve plus
La moindre espérance
La lune chavire à l’horizon
Devant le châssis de bois gris
Longtemps elle demeure
Raidie de froid
Sans volonté d’écrire
Ni de parler à
Certains dieux
Ce soir
Personne n’amènera
Les chiens chasser
Dans la forêt de Ballast
Odanak
Lou Poirier
Il hurle
Essoufflé de bonheur
Démantèle son cœur
Par battement
Elle
Poitrine dressée
Souffle décuplé
Par-delà en torpeur
Lumineuse blancheur
Décennies à l’horizon
Un pas
Charrier la chaise en bois
Son halètement timide
Il serre d’une stupeur tendre
Le mamelon tremblotant
Afin d’échapper au monde
S’abreuver en silence
Moncton, NB
Daniel H. Dugas
Les mots cent pas
charriés comme on voudrait
Ils transportent toujours
un peu de silence et d’horizon
de torpeur et de danger
Entre chien et loup
chaque battement
devient halètement
Dans la rôtisserie instigatrice du sens
une jambe de bois
s’enflamme
lumineuse
Le cœur s’échappe
dans le souffle du bonheur
Miami, FL/Moncton, NB
Michel Pleau
Nous sommes
nous sommes nombreux
à tenir le monde debout
à mêler nos voix à la réalité
rouge blanche grise noire ou bleue
la chambre frêle des souvenirs
protège le silence et l’horizon
tôt ou tard les cendres les marées
parviendront à la clarté des choses
jusqu’à devenir un corps de papier
Québec, Qc
Thierry Dimanche
Le corps meuble silence
souvenir fourbu des marées
la cendre aboie
d’horizon
tôt ou tard
carabines claires
la chambre fâche
ses papiers peints
et le grand gris
les choses…
or la suie sèche
fiction vivante
arme ou désarme
une racine
jeté au feu
le plomb de l’aile retourne au vert.
Sudbury, Ont.
Virginie Beauregard D.
les cornes du matin
ameutent les chiens du soleil
l’odeur de bois mouillé
accentue la puissance des souvenirs
ce sont des restants bleuis
comme les doigts du ciel
qui se perdent entre ici et ailleurs
mais j’ai dans l’œil cent horizons
et je souris juste là
devant le vif de la couleur des arbres
Montréal, Qc
Daniel Leblanc-Poirier
dans l’œil éteint du soir
tout est là
regarde
l’horizon qui bave
cent douleurs orange
et les chameaux
de silence rauque
de bois de sexe qui restent
en marge des corps
de papillons bleus
poilus encore
vers le nord de nos souvenirs
de cette guerre
jusqu’au crépuscule
du ketchup
et des marées montantes
d’abeilles luisantes
comme des restants aveugles
d’émeraudes
Campbellton, NB