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j’viens de Moncton
un Français de Moncton
grandi parmi des arbres
pis des bouchures anglaises
les arbres sont ben coupés
en carrés
pis quand t’es p’tit gars
tu te fais botter le tchu
si tu t’amuses dedans
si t’es chanceux
pis les bottes te manquent
les bouchures te déchirent
les tchulottes
pis si t’es pas chanceux
ça déchire ta peau
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j’viens de l’East End de la ville
on avait d’la fonne
quand j’étais jeune pis fou
on s’amusait à voler des pommes
pis à se faire tchayser par la vieille
qui restait à côté de chez nous
y’a toulletemps une hag
dans chaque neighborhood
a restait à gauche
à droite y’avait des juifs
le pére à David vendait des bouteilles
pour faire vivre sa famille
nous autres
les p’tits kids du bloc
on les trouvait
pis on les lui donnait
pour une cenne chaque
son pére David nous disait
avait deux cennes chaque
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des fois son pére s’enrageait
pis y criait des choses
qu’on comprenait pas
on aimait entendre ça
des choses qu’on comprenait pas
on pensait à d’autres pays
y charriait ses bouteilles
dans son truck jaune
pis des fois y nous invitait
pour charrier des bouteilles
on riait
se donnait des coups de poings
se fourrait des bouteilles
dans le tchu
se chatouillait
on avait d’la fonne
4
mon meilleur tchomme s’appelait Roger
chaque matin y donnait des becs
à sa mére
pis y mangeait une douzaine
de pilules de foie de morue
sa mére parlait beaucoup
pis son pére travaillait su Lanes
j’les appelais
M. et Mme Bourgeois
y restaient en arrière de chez nous
dans une grosse maison pink
avec du trimming blanc
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en arriére de la maison à David
y’avait ça qu’on appelait Lareena
y’avait une vieille cabane
à l’autre boutte de Lareena
but de c’côté icitte
y’avait une forêt
on s’amusait à jouer aux cowboys
pis aux indians dans ça
des p’tites guerres
qui nous faisaient manquer notre dîner
pis attraper une lickin
des fois on jouait
à Treasurehunt ou à Rescueight
une fois j’ai ramassé
des morceaux de bouteilles cassés
dans une boîte de cardboard
pis j’l’ai enterrée à côté d’un arbre
dans Lareena
quand je s’rai plus grand
j’irai chercher mon trésor
but là y’ont construit
deux appartements dessus
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les dimanches y faisait soleil
pis on allait à la messe prier
fallait être sérieux pis stiff
une fois je l’étais pas
pis j’ai eu des claques
sur les fesses
sans tchulottes
normalement
on arrivait pis on parlait
du nouveau prêtre
du vieux
du sermon
pis du monde qui y’avait là
pis là on mangeait des œufs
pis du bacon
le plusse que j’mangeais
le plusse que ma mére
me vantait
des fois
j’avais pas faim
but j’aimais me faire vanter
so j’mangeais beaucoup
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après ça j’me changeais de hardes
pis ça feelait ben
j’m’assisais sur la back vranda
pis j’regardais à gauche
à droite
en avant
su David j’entendais des poules crier
j’courais voir
y’avait c’t’homme icitte
avec un p’tit chapeau de pape
qui coupait l’cou des poules
là y les j’tait dans la garbage can
sans tête
t’entendais la poule
se bring à brangner à mort
là le pére à David enlevait le couvert pour sortir la poule morte
pis des fois des œufs
des fois la tête coupée
la poule se sauvait dans la backyard
jusqu’à c’que quelqu’un la ramasse
pour la mettre à mort
par la garbage can
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en arrière de chez nous
y’avait un gros checkerboard
noir et blanc
c’était un dead end
on s’amussait à grimper d’sus
ride ’em cowboy
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j’ai une sœur qui s’appelle Murielle
tout le monde l’appelle Murm
j’me rappelle juste avant
qu’alle a arrivée chez nous
ça faisait longtemps que ma mére
était partie
y’avait beaucoup de monde chez nous
dans le salon
des grosses faces moqueuses
me demandaient
si j’voulais un p’tit frére
ou une p’tite sœur
j’disais que j’voulais un p’tit frére
j’avais déjà trois sœurs
« Pis cousse tu vas faire
Si c’est une p’tite sœur ? »
« J’vas la mettre dans la garbage can. »
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j’l’ai pas mis dans la garbage can
but une fois c’était Noël
pis j’ai crié « Timber ! »
pis l’arbre l’a presque tuée
j’m’ai fait rabotter le tchu
c’te fois-là aussi
des fois j’m’amusais tout seul
dans ma chambre
pis Murm v’nait voir
pour me tanner
a chantait des chansons about moi
pour se moquer
« Ronny pue des pieds eh
Ronny pue des pieds eh ! ! »
pis a s’mettait les yeux cross-eyed
son nez morveux collé su l’mien
j’la poussais un p’tit peu
pis là a criait
comme si j’l’avais crucifiée
ma mére montait avec la moppe
pour ôter l’eau su la place
pis a disait
« Attends que ton pére arrive »
pis là Murm trouvait les places
que j’l’avais frappée
ma mére descendait
pis Murm remontait pis disait
« Toi tu vas l’aouère Toi tu vas l’aouère ! »
pis sure enough
j’l’avais alright
des marques rouges su les fesses
pis j’disais qu’c’était pas vrai
but mon pére me croyait pas
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une fois j’l’ai eue
moi pis Roger on allait jouer dans Lareena
pis Murm nous suivait
j’y disais de s’en aller but a voulait pas
ça fait qu’on a dit
« Va chercher Patsy pis on va jouer
aux cowboys pis aux indians »
pis aile a été
moi pis Roger on a été chercher d’la corde
dans sa garage
pis là y sont arrivées
« Faut choisir les teams :
moi pis Rog pis toi pis Pats »
« OK »
ça fait qu’y ont compté
jusqu’à cent contre l’arbre
dans la backyard à Roger
pis nous autres
on les a amarrées à l’arbre
pis là
moi pis Roger on a été jouer
pour une couple d’heures à Lareena
on avait oublié Murm pis Patsy
quand on est revenu su Roger
Murm pis Patsy étaient assises
en train d’boire d’la Koolaid
pis manger des cookies
la mére à Roger y’a dit de rentrer
pis a m’a dit d’m’en aller chez nous
Murm m’a fait un gros smile en disant
« Toi tu vas l’aouère »
chu parti en courant
en pensant à mes fesses
Ronald Léger
Poème publié dans le no 12 de la revue Ancrages Je friboule. Hommage à Ronald Léger.