22. Danser les tempêtes

MARIE-ANDRÉE
On n’est pas une nature morte, ni un cumul de choses échappées une après l’autre par l’histoire. On est le monde, c’est nous autres, pis on l’oublie.

Pourtant, y’existe plus loin que la mémoire l’évidence de notre ancrage : lacs calés, fruits d’été, gels, dégels, symboles, chemins, instinct, brillance ; toutes les choses qu’on déconnecte de la poésie quotidienne. Il y a dans la fougère et le cadavre du chevreuil sous la croute, tout l’éclatement de la mort comme un cercle, et tous les vents contraires nécessaires à nous ouvrir les yeux.

Tsé c’est tellement doux de savoir apprécier les spectacles gratuits, le sacré d’un simple coucher de soleil, un couple qui s’embrasse, une p’tite neige qui tombe.
On est le rappel vivant de l’équilibre du magnifique parce qu’on sait… qu’on sait.

Mais toucher à la joie avec des choses simples, c’est pas bon pour l’économie.
On a peur des loups, peur d’être sales, peur de pas être habillé à la mode ;
On a même peur de la valse des arbres dans la tempête parce qu’une fois quelqu’un nous a dit qu’on savait pas danser.

Ce que je sais, c’est qu’il faudra savoir les danser les tempêtes,
et mordre dans nos désordres avec notre plus beau sourire pour savoir refaire le visage
de nos éloignements, nous autres, oui, nous autres, les vivants.

 

Marie-Andrée Gill

textes publiés dans le No 20, Solitudes

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