Anne-Marie Desmeules. Grands-mères

Photo : Jérôme Luc Paulin

Étiennette je garde de toi
les roulés à la confiture
les couvre-bouteilles en phentex
les paparmanes en centre de table
la longévité

mythique
Armande-Hermance
à dos de chameau en Égypte à 80 ans
avec toi une odeur du pain frais
des motifs de tissage
et une santé de fer

Anne-Marie
chère entêtée
je te raconte
par les grandes tablées
par l’envie de chanter
par l’histoire mille fois redite de mon baptême
par ton goût des colliers
par nos après-midis à la piscine du manoir
par tes doigts de crème hydratante sur nos genoux

Gertrude
ton amour me recouvre comme une catalogne lourde
avec tes mains de Tiger Balm
la senteur blonde de tes rouleuses
le fromage fondu dans la soupe
les pois à écosser
tes aiguilles à tricoter
ta taille fine en ombres chinoises devant l’évier
tes trois milles paires de boucles d’oreilles
tes framboises dans le sucre
l’odeur des pivoines

Monique
avec ta tête baissée de chèvre des montagnes
tu m’a montré la route
l’art de la métamorphose
le goût de la beauté
la parole abondante
tu m’as donné la mémoire

Avec vous, et avec celles qui vous précèdent (Adeline, Justine, Rosalie, Tharsile, Laure, Azilda)

Je me constitue
Je m’enracine
J’existe

 

Anne-Marie Desmeules
Texte publié dans le No.23 iskwêwomxn

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