Hélène Matte. Chant du pipeline

On creuse pour deux fins : on creuse pour trouver une eau pure, et potable, mais on creuse aussi pour trouver du pétrole ; et le pétrole ça a une signification n’est-ce pas ? C’est le, disons, le réseau des pipelines qui enserre le monde comme un filet dans lequel on est pris. Enfin on pourrait broder sur ce thème qui pourrait aller loin. Alors évidemment qu’est-ce qu’on creuse ? C’est le texte.

Paul Zumthor, Entretiens, 1974

Chant du pipeline (d’après un poème de Paul Zumthor)

Jusqu’aux mille et une nuits                       le ciel enfoui laissait               fuir ses étoiles libres
Dessus         des paysages intimes              aux dieux muets

Puis vint ces alchimistes qui changent l’argent en mort
Jaloux de l’harmonie           du fracas de silence

La terre sera ruine                sans labours    et sans vignes
Lorsqu’ils auront passé       leur corridor indigne
Ils ont défait le sceau           du temps qui coule à vide

Faisant de nous béats           les cobayes de l’Histoire
Enculés    par           le plus             long                pipeline du      Nord

Narcisse       se mire  dans une     marre     d’huile
Ébloui           suffisant          par le profit débile
Comment dormir au gaz      sur des volcans mobiles ?

Nous            complices inquiets      habitant la crevasse
Les plaies de l’infini                        ouvertes sur nos corps
Nos mains répondent en coupe       en poings       ou bien tenaces

À cet affront obscur            Nos veines pour décor
À cet affront  absurde             Nos peines à-bras-le-corps

 

Hélène Matte

Poésie : Ode à l’eau ; Offres d’emplois
Réflexion critique : Chanter comme les loups contre les chiens du capitalisme

Texte publié dans le No 16. Déversements.

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